Le vingtième siècle d'un village pyrénéen - La Grande Guerre - Histoire de Mosset

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Le vingtième siècle d'un village pyrénéen - La Grande Guerre

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LA "GRANDE" GUERRE


La mobilisation générale de 1914 va amputer Mosset de la fine fleur de ses jeunes hommes. Le meilleur de la main d'œuvre paysanne va devoir quitter ses terres pour aller défendre la Patrie, sur la Marne, à Verdun ou au Chemin des Dames.

Les soldats de 1914, qui étaient partis la fleur au fusil, pensaient filer une bonne correction aux allemands et rentrer au foyer au bout de quelques mois. Mais le conflit va durer quatre ans ! Quatre ans pendant lesquels l'économie du village va reposer sur quelques anciens et surtout sur les femmes. On sait déjà que nos paysannes sont d'un courage à toute épreuve et elles vont le démontrer. Elles continueront à assumer leur tâche de mère de famille et, en même temps, elles remplaceront le mari ou le père absent, même dans les travaux les plus durs tels que labour, fauchage ou battage.

Les liens vont se resserrer et la solidarité jouer à plein. On s'entraidera, et malgré les vicissitudes de la vie, on tiendra le coup.

Mais dès 1914 les vides vont commencer à se creuser et il ne se passera guère de mois où le maire, après réception du télégramme officiel, ne sera pas obligé de venir présenter ses condoléances à une famille éprouvée.

Trente-sept jeunes mossétois vont ainsi donner leur vie à la France. Lecteur, te rends-tu compte d'une telle saignée pour ce village ? Certains étaient encore célibataires, beaucoup étaient mariés et pères de famille, laissant veuves et orphelins. Après çà le village va manquer à ce point d'hommes jeunes qu'il ne sera plus question, pour les jeunes veuves, de retrouver un second mari. Leur vie a été à demi-sacrifiée après le sacrifice de l'époux. Il a fallu à ces femmes un courage, une abnégation sans égale. Elles continueront à assumer leur destin sans rechigner, sans se plaindre, sans sombrer dans la dépression qui fait tant de victimes aujourd'hui. Elles se sont passées du secours des "psy", des tranquillisants et autres "anxiolytiques" dont nous sommes devenus les champions du monde de la consommation.

Dans les années 20 le village fera construire un monument pour honorer la mémoire de ses braves "tombés au champ d'honneur".

L'Armistice de 1918 sonnera comme une délivrance pour nos paysans qui vont enfin retrouver leur terre natale.

A ce sujet il faut signaler qu'avant d'être démobilisés les combattants se voyaient proposer des places dans l'Administration. Cette dernière avait également perdu beaucoup de ses fonctionnaires et avait besoin de recruter en masse. Ceux qui ne possédaient rien ou presque ont répondu à cet appel, bien que les emplois proposés fussent subalternes ; mais ceux qui étaient propriétaires terriens pensaient encore que la liberté du paysan était inaliénable et encore pleine d'avenir. La suite démontrera combien les premiers avaient eu raison d'accepter une place de fonctionnaire alors que les seconds vont s'échiner, durant toute une vie, à arracher à la terre leurs maigres revenus.

J'ajouterai que : Sécurité Sociale, Allocations Familiales, Minimum Vieillesse, indemnisation des chômeurs, retraite des vieux, bref, tout ce qui fait des français d'aujourd'hui un peuple d'assistés, n'existent pas encore. Je note, cependant, que la Municipalité se préoccupe tous les ans de l'assistance aux femmes en couches, d'indemnités aux soutiens de famille qui sont au service militaire, etc. Il faut donc gagner sa vie jusqu'au bout et les vieux travaillent jusqu'à ce qu'ils tombent, terrassés, se rendant utiles jusqu'à l'épuisement, d'où leur efficacité durant le conflit mondial. Tant qu'on tient debout on est capable de rendre service, ne serait-ce que dans la garde du bétail qui ne demande pas de grands efforts. Les grands-mères ont la charge des enfants en bas âge jusqu'à ce qu'ils aient suffisamment de force pour rendre également service.  Les enfants du village sont très tôt initiés à la garde du bétail et aux travaux des champs simples, comme tourner le foin pour le sécher, râteler, aller chercher de l'eau.

Après une vie bien remplie, on mourait dans son lit entouré de la famille et non pas à l'hôpital comme de nos jours. Était-ce un bien, était-ce un mal ? Je ne porterai pas de jugement, laissant le lecteur libre de son interprétation.

A propos du décès de nos anciens, je citerai une coutume qui a longtemps perduré. Cette coutume voulait que l'on rende honneur au mort en "faisant visite" le soir à la veillée, sauf à être fâché avec la famille. Courte visite dans la chambre et on prenait ensuite place dans l'assistance pour une soirée, plus ou moins longue, au cours de laquelle la conversation, après quelques mots attendris sur le mort, prenait une toute autre tournure. On y débattait de la récolte, des labours, du bétail, enfin de la vie paysanne de tous les jours. Puis on se retirait en laissant la famille veiller le disparu, en attendant les obsèques du lendemain où chacun se devait d'assister et où le cercueil serait porté par quatre hommes, proches de la famille.

 
Mis à jour le 13/02/2018
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