Le vingtième siècle d'un village pyrénéen -Etat des lieux - Histoire de Mosset

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Le vingtième siècle d'un village pyrénéen -Etat des lieux

Divers > Bibliographie > Bousquet Jean


1900 : ÉTAT DES LIEUX

1900 Mosset entre de plain-pied dans le vingtième siècle.

Mais au fait, où se trouve ce village pour lequel j'ai la joie d'écrire cet ouvrage ?

Il s'agit d'un village du département des Pyrénées Orientales, à cinquante-cinq kilomètres de Perpignan, la capitale roussillonnaise, en plein pays Conflent, administré par la sous-préfecture de Prades.

Installé dans la haute vallée de la Castellane, torrent pyrénéen qui prend sa source au pic Madres pour aller se jeter, trente km plus bas, dans la Têt en aval de Prades, le village occupe un piton rocheux d'où il domine la vallée.

C'est un village médiéval datant du douzième siècle, créé par les rois de Majorque, fortifié pour protéger la vallée côté nord-ouest du royaume.

Dans le passé le village était sous la protection d'un château fort, dont on peut encore voir quelques vestiges, et les maisons, serrées les unes contre les autres, se sont agglutinées au pied du château et se sont protégées par une muraille percée de portes, dont trois subsistent encore. Pour augmenter l'invulnérabilité du village, une tour de guet, située au nord-ouest, la tour de Mascarda, à trois km, permettait de surveiller toute la haute vallée jusqu'au Col de Jau, aux confins du Royaume de Majorque. Le Col de Jau est, encore de nos jours, la limite du département des Pyrénées Orientales avec l'Aude, autrement dit la limite naturelle et administrative entre la Catalogne et la France, entre le pays catalan et le pays "gabach" (Languedoc).

Mosset, en ce début de siècle, est figé depuis des générations. Certes la route  menant à Prades a bien été construite, elle a même été prolongée vers le Col de Jau, mais n'y arrive pas encore, car elle s'arrête au Monastir, à quatre km du col. Cette route permet une liaison quotidienne avec Prades, mais toujours en diligence. Les villageois se rendent quelquefois au chef-lieu, mais ils s'éclairent toujours à la bougie ou à la lampe à pétrole. Les produits extérieurs commencent à pénétrer le village mais on continue à vivre en quasi-autarcie. Les gens sont pauvres, et si tout le monde mange à sa faim, c'est d'abord en consommant les produits locaux, ceux qui sont au moindre coût car on n'a pas encore appris à chiffrer le prix de la main d'œuvre familiale. Le paysan commence sa journée à l'aube et la termine après le crépuscule, ce qui se traduit, en été, par une moyenne de quinze heures de travail, dimanches et jours fériés compris.

Mosset est avant tout un village d'agriculteurs et de pasteurs.

La terre est exploitée au maximum de sa production, pour l'époque, et les troupeaux d'ovins couvrent la montagne. Les bovins, nécessaires aux travaux de labour et de charroi, font partie du patrimoine animal des paysans, avec quelques chèvres.

Cette exploitation engendre, tout naturellement, l'existence des quelques artisans nécessaires à la vie d'un village de montagne : en tout premier lieu le forgeron-maréchal-ferrand, car il faut fabriquer et entretenir l'outillage agricole, ferrer les bêtes qui travaillent. Viennent ensuite les maçons, cordonniers, menuisiers, le meunier, etc.

Quelques commerçants sont également nécessaires à l'activité du village : épiciers, cafetiers, boucher, qui sont un complément nécessaire à la vie des villageois. Bien entendu ils ne sauraient vivre de la seule exploitation de leur commerce, car leur chiffre d'affaire est réduit au minimum, mais eux aussi sont paysans de temps à autre.

Vous remarquerez que je n'ai pas cité le boulanger. En effet cet artisan n'existe pas à Mosset car chacun fait son pain. Chaque maison est équipée d'un four où la maîtresse de maison cuit le pain de la famille tous les huit jours.

Les paysans sont propriétaires de leur exploitation, de surface variable, mais qui permet à chaque famille d'avoir le minimum suffisant à ses besoins. On ne paie pas de loyer car on habite chez soi. La maison, parfois partagée avec des animaux, est un bien précieux auquel le paysan est très attaché et ce sentiment va perdurer très longtemps.

La terre est très morcelée et tout le monde ne peut pas avoir une propriété permettant, à la fois, la culture et l'élevage. Cet état de choses est le résultat des héritages successifs qui, pour satisfaire les héritiers, ont produit des morcellements à l'extrême. Mais chacun possède au moins son petit jardin pour les légumes et un champ pour les cultures plus importantes : pommes de terre, maïs, betteraves, blé, haricots.

Ceux qui n'ont que çà travaillent volontiers, à la journée, pour les exploitants plus importants et trouvent, en été notamment, aisément du travail pour les foins, les moissons, les battages et tous les travaux annexes. Quelques exploitations de carrières, pierre ou talc, emploient aussi de nombreux journaliers.  Malheureusement l'hiver laisse un peu cette main d'œuvre au chômage et il appartient alors à la commune de faire ce qu'elle peut, car les ASSEDIC n'existent pas encore.

Les communications sont encore difficiles ; certes la route existe déjà jusqu'à Prades et sur une dizaine de kilomètres vers le haut de la vallée, mais toutes les autres voies de communication consistent en Chemins Vicinaux dont l'entretien est du ressort de la commune, sous la surveillance des Ponts et Chaussées. Ces Chemins Vicinaux sont répertoriés et numérotés : n° 3 de Mosset à Campome, n° 6 de Mosset à Conat via la Carole, n° 4 de Mosset à Montfort, etc. Comme le territoire communal est très important ces C.V. sont longs et leur entretien donne beaucoup de soucis au conseil municipal qui doit prévoir, tous les ans, le coût des travaux à effectuer. Par ailleurs ces chemins ne sont que muletiers et ne permettent pas, du moins pour le moment, le passage de charrettes. D'ailleurs, dans un passé récent, le métier de muletier, "trajiner", existait encore pour le transport du bois, du charbon, du fer, du minerai et des marchandises de toutes sortes.

Telle est donc, au début du siècle, la vie de notre village, cette vie un peu figée, façonnée par les générations précédentes et que rien, même pas la révolution industrielle, n'est venu perturber depuis bien longtemps.

Comme la Révolution de 1789, passée pratiquement inaperçue, celle de 1871, succédant à la guerre de 70, perdue contre les Prussiens, et engendrant la troisième République, n'aura pas eu une grande influence sur nos villageois. Bien sûr, il y a eu Jules Ferry et ses Lois sur l'enseignement, et il semble que la scolarisation soit amorcée. Mais Mosset, au fond de sa vallée, est encore loin des rumeurs de la ville et du pays, et les nouvelles ne parviennent qu'avec un certain retard pour ne pas dire avec un retard certain.

Je vais parler plus longuement de nos villageois, de leurs travaux, de leurs loisirs, rares bien sûr, de leur mode de vie et de la façon dont le vingtième siècle va bouleverser tout cela.

Voici donc comment se présente ce village en cette année 1900, et pour en avoir une idée plus exacte voici un extrait des "GUIDES MERIDIONAUX" de 1899 :

MOSSET - à 54 km de PERPIGNAN, à 12 km de la sous-préfecture PRADES, 859 habitants. Télégraphe, Superficie 7.100 ha Produits : seigle, pommes de terre, haricots. Fêtes: 7 Janvier, 24 juin, Foire 4 octobre.
Curiosités : Château des seigneurs de Mosset, ruines remarquables de l'ancien monastère de Corbiac, grotte de Las Encantades, clocher.
Maire : Docteur CANTIE (remplacé en 1900 par CORCINOS)
Curé : SUCAZES,
Instituteur : ARBOS,
Institutrice : ROIG,
Secrétaire de Mairie : ARBOS,
Receveur-buraliste : GABRIERE,
Garde : CRIBEILLET,
Cantonniers : BATAILLE et CORTY,
Affenages et auberges : BRUNET, ARROUS, COSEY (Veuve),
Cordonniers : PANABIERE, DIRIGOY,
Docteur : CANTIE,
Épicier : Mme ARBOS,
Menuisiers : ARROUS, BORREIL,
Sages-femmes : PORTEIL, NOT,
Diligence : PARES.

 
Mis à jour le 13/02/2018
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