Le vingtième siècle d'un village pyrénéen - Conclusions - Histoire de Mosset

Rechercher
Aller au contenu

Menu principal :

Le vingtième siècle d'un village pyrénéen - Conclusions

Divers > Bibliographie > Bousquet Jean


CONCLUSION


N
ous voici donc à la fin de ce 20 siècle, qui s'achèvera, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, le 31 décembre 2000. Le 21 siècle, et donc le troisième millénaire, ne commenceront que le 1 janvier 2001.

Ce siècle a complètement bouleversé Mosset et l'a fait passer pratiquement du moyen-âge à Internet, puisque Mosset se dote aujourd'hui d'un site Internet, ce qui va permettre à un Américain du fin fond du Texas, à un Japonais de Sapporo ou à un Australien de la partie la plus désertique de son Continent, de retrouver Mosset, sa situation, ses produits, ses curiosités, son pin sur le clocher, sur son écran d'ordinateur. Qui aurait pu imaginer çà voilà seulement cent ans ?

Finie la "patache" de Parès qui mettait la journée pour faire l'aller et retour jusqu'à Prades. Quelques mots sur la desserte du village. La diligence de Parès a disparu depuis environ quatre-vingts ans remplacée par l'autobus, soit biquotidien, soit quotidien. Depuis toujours l'arrivée de l'autobus a constitué un événement important au quotidien. On attendait l'autobus soit pour un colis, soit pour le courrier, soit pour accueillir un ami, un parent ou par simple curiosité. Dans les années 50 lorsqu'on appelait les enfants pour se mettre à table on s'entendait répondre : "attends, l'autobus n'est pas encore arrivé !". En somme, l'autobus réglait un peu notre vie domestique.

De nos jours chaque famille possède sa voiture quand ce n'est pas deux ou trois. Je crois que Mosset possède trois fois plus de voitures que l'ensemble du département voilà 80 ans. Et les moyens roulants se sont multipliés : motos, scooters, vélos, VTT qui permettent de parcourir les itinéraires de montagne du Col de Jau jusqu'à Prades ou du Pla de Pons à Molitg ou Sournia.  Ces moyens de locomotion remplacent désormais, sur les chemins vicinaux, et souvent pour le plaisir, les antiques muletiers et leurs bêtes lourdement chargées.

Naturellement les changements précités ne se sont pas faits en quelques semaines et il a bien fallu ces cent ans pour accomplir de si importantes mutations. Dans les années 20, il arrivait qu'une automobile arrive sur la place et les enfants s'agglutinaient autour, pour admirer cette merveille, comme on le ferait aujourd'hui si une soucoupe volante, pilotée par quelque extra-terrestre, se posait sur le terrain de jeux du pré Corcinos.

Le village est toujours à la même place, la route qui le traverse est toujours là, les rues qui le parcourent sont là également, mais que de changements dans son aspect. Nous sommes passés du village d'agriculteurs et d'éleveurs d'antan, avec ses vieilles demeures, ses étables, son bétail, son chevrier appelant les caprins tous les matins, son crieur public le soir, ses artisans, ses ouvriers, à un village pimpant, où le nombre de maisons habitables et bien entretenues a été multiplié par deux, aux rues propres et bien cimentées, où il fait bon vivre mais, hélas ! Où ne vit plus que le quart de cette population d'antan. Un village de retraités où les actifs se comptent sur les doigts d'une main pour ceux qui sont encore à la terre, un village d'estivants car le climat de Mosset est resté aussi agréable qu'avant, un village qui vit intensément durant deux mois d'été et qui, dès l'Automne venu, va s'assoupir jusqu'au Printemps suivant.

Au début du siècle, chaque demeure était habitée par des familles de six à huit personnes ; certaines rues comptaient alors plus de cent habitants, aujourd'hui la plupart de ces maisons sont closes ou habitées par une ou deux personnes et les rues ne comptent que quelques âmes. Quelle dérision ! La population mossétoise réduite à celle qui occupait une ou deux rues d'antan. Et le paradoxe c'est qu'il n'y a pas de logements à louer. Au printemps les demandes de location pour l'été affluent à la mairie qui, hélas, ne peut les satisfaire.

Au fur et à mesure que la population diminuait ses moyens d'existence s'amélioraient et on pourrait dire que les "pauvres" de 1900 sont remplacés par les "riches" de l'an 2000. Chaque génération a fait un pas de plus, et quel pas ! Ce fut souvent des pas de géant, passant ainsi de la bougie à la lampe à pétrole, puis à l'ampoule électrique, à l'éclairage public, à l'électrification totale de la maison, réfrigération, congélation, chauffage, etc. à un point tel que la panne électrique désoriente tout le monde et laisse les mossétois désemparés. Quand je pense que nos épicières n'avaient même pas une glacière ! On connaissait la glace lorsqu'il fallait briser celle des abreuvoirs pour que les bêtes puissent boire au plus fort de l'hiver.

L'hygiène et la santé de nos concitoyens se sont améliorées d'une remarquable façon, et dans ce domaine, le monde rural a rattrapé largement le citadin. Les cruches, qui faisaient l'incessant aller et retour à la fontaine, ont disparu. Vous qui avez lu ces lignes vous savez que çà n'a pas été sans mal, les différents projets d'adduction d'eau ayant coûté beaucoup d'argent et beaucoup d'efforts. Les mossétois qui économisaient beaucoup l'eau lorsqu'il fallait la charrier, en sont devenus dépensiers depuis qu'elle arrive aux différents robinets de la maison et le maire est obligé, de temps à autre, de rappeler que nos sources ne sont pas intarissables. S'il est des domaines où la nostalgie reste profonde, comme dans certaines coutumes, par contre dans celui de l'eau oublions définitivement le passé. Les lavoirs aussi seront abandonnés ; surtout les premiers, au canal, à genoux, en eau vive certes, mais le lave-linge aussi lave en eau vive.  Vous trouverez en annexe un petit poème que j'ai relevé, d'un auteur inconnu, et qui parle de la mort du lavoir, sans regrets.

La présence des animaux dans le village faisait que Mosset était, surtout en été, envahi de mouches. Elles ont tendance à disparaître mais quelle quantité de papier ou de poudres tue-mouche il a fallu, dans le passé, pour combattre cet insecte polluant. Les rues sont devenues propres, encore que la détention d'un trop grand nombre de chiens, libres de circuler, contrairement aux arrêtés pris par la Municipalité, porte préjudice à cette propreté. Antan les chiens n'étaient là que pour leur travail de gardiens de troupeaux, maintenant c'est devenu un animal de compagnie, d'agrément, puisqu'il n'y a plus de troupeaux à garder. Je ne suis pas anti-chien, ni contre le fait que bon nombre de personnes aiment cet animal qui, il faut le reconnaître, est de loin le plus fidèle ami de l'homme, mais chacun doit prendre ses responsabilités et faire en sorte que cet ami ne soit pas une gêne pour les autres. Amis mossétois gardez vos rues aussi propres que possible vous qui, pour la plupart, n'avez pas connu les rues souillées de bouses de vaches, de crottes de chèvres ou de moutons ou de déjections de cochons et de poules.

En parlant d'animaux il me vient à l'esprit une réflexion sur le sexe du bétail. Ce dernier semble parfois changer à la mort de l'animal. N'avez-vous pas remarqué qu'on élève et qu'on tue des cochons et des truies mais que le charcutier ne vous propose que du porc ? Le boucher ne vend que du bœuf ou du veau mais où passent donc les vaches et les génisses ? Faisant cette remarque un jour à une voisine, cette dernière était persuadée ne manger que du bœuf, sans se poser la question de savoir ce que devenaient les vaches. Elle n'avait pourtant jamais vu de cimetière de vaches !  Nos paysans savaient, eux, ce qu'ils avaient dans l'assiette. Mon boucher ne me propose que du foie de veau ou d'agneau, mais où passent donc les foies de bœuf et de mouton ?

Aujourd'hui le citadin montre un certain respect pour le monde paysan, il sait que c'est lui qui le nourrit, qui assure, en quelque sorte, la conservation de ce patrimoine terrien particulier à la France. Il sait que le paysan n'est pas cet individu sale et borné, ignare et simplet, dont lui avaient parlé ses ancêtres. Car si nous remontons cent ans en arrière c'est ainsi qu'était perçu le paysan, ce "bouseux", ce "cul-terreux", sans instruction, sans savoir-vivre. La guerre 39/45, et les difficultés de ravitaillement ne sont pas étrangères à ce changement d'opinion. Le paysan de l'an 2000 est un citoyen qui est instruit, cultivé, et qui sait se servir du téléphone mobile et de l'ordinateur. Naturellement ceci est valable pour nos mossétois qui sont encore là, car pour les autres, ils peuplent désormais nos deux cimetières.

Je viens de voir à la télévision une image qui résume bien le vingtième siècle de notre village. Il s'agissait d'un reportage sur ce qui fut le plus grand télescope du monde situé dans le Caucase russe, et dans la plaine, il était complété par un télescope auditif. Ce dernier était constitué par une enceinte circulaire de récepteurs de 600 mètres de diamètre. Donc c'était une installation des plus modernes. L'intérieur de l'enceinte était constitué d'une vaste prairie couverte d'une herbe bien grasse comme en produisaient nos près dans les bonnes saisons. Mais que vois-je ? Un ouvrier en train de faucher à l'aide d'une faux comme celle de nos ancêtres avec un manche encore plus primaire que celui des mossétois de 1900. Fatalement j'ai été tenté de faire le rapprochement avec le début et la fin de siècle de notre cité rurale.

Néanmoins, je vois s'éloigner la perspective d'une mort annoncée du village. Ceci est dû à l'apport d'une population nouvelle, qu'elle soit de souche mossétoise ou qu'elle nous vienne de l'étranger, anglaise ou hollandaise entre autres. Cette population nouvelle fait preuve d'un certain dynamisme et apporte au village une animation, notamment estivale, culturelle et artistique, qui alimente l'espoir de voir Mosset repartir pour un nouveau siècle. Bien entendu ce ne sera pas un siècle pastoral ou agricole comme nous l'avons connu, encore que... Il faut toujours penser à un éventuel retour à la terre. Les produits biologiques deviennent la grande mode et voilà cent ans les produits mossétois n'étaient que biologiques. Ce que je souhaite à notre village, c'est de vivre, de bien vivre, mais surtout de garder son âme catalane. Mais qui saura la lui conserver dans 20, 30 ou 50 ans ? A vous les jeunes de répondre à cette question.

 
Mis à jour le 13/02/2018
Copyright 2015. All rights reserved.
Retourner au contenu | Retourner au menu